Repères

La cagette qu'on jette (ou pas)

1 - La cagette (masc. le cageot)
est un objet banal de la vie quotidienne en même temps qu'une élaboration ingénieuse de l'industrie du bois.
A la fois naturel (matière), culturel (fabriqué) et universel (usage).
C'est un objet à l'échelle du bras et du corps - des deux bras en fait - plus petit on a le panier (un seul bras), plus grand, la palette (échelle de la machine).
Après usage on la jette, on la brûle ou on la recycle.
C'est sur ces qualités – légèreté, modularité, disponibilité - qu'on va s'appuyer dans ce projet en passant de l'objet au matériau afin de créer un espace architecturé.

2 - La coupole suspensive
La plupart des architectures occidentales commencent au sol puis essaient de se soulever, en gardant l'équilibre, jusqu'à rêver d'aller gratter le ciel.
Dans l'architecture suspensive on essaie le contraire : s'accrocher aux nuages & délicatement redescendre jusqu'à éventuellement toucher terre.
L'image n'est plus la brique ou l'échafaudage mais la toile d'araignée ou le nid d’hirondelle.
Cette inversion des contraintes nous permet de travailler avec l’équilibre et la souplesse de la structure plutôt qu’avec la masse et la rigidité.

Bien sûr il faut disposer "à la base" d'au moins un point haut. D'où l'opportunité des arbres.

3 – principes de la tresse et du tissage
L'assemblage du matériau se fait entièrement à partir d'éléments de la cagette et sur principe de la tresse autoblocante (clef de tresse).
Le fond de cagette représente une surface, ses autres parties servent d'accroche entre les surfaces.
On utilise aussi parfois, pour le renforcement de la structure, quelques autres tiges naturelles plus longues (osier ou bambou)

4 – forme qui s’organise et organe qui se forme
Contrairement encore aux pratiques ordinaires de  l'architecture, la forme n'est pas pensée a priori. Elle découle des forces et des efforts mis en jeu par l'ajustement progressif des éléments.
En partant d'un seul point de sustente, commence à se dessiner une coupole qui s'incurve doucement sous son propre poids en tournoyant lentement autour de son axe.
On peut choisir de la laisser descendre jusqu'à se poser au sol, simple hutte en forme de dôme, ou bien de l'amener à s'étendre, à rechercher d'autres points d'accroche pour rester en suspension et se répandre comme un voile.
La densité de ce voile varie aussi suivant l'ajustement & la résistance des cagettes : ici très serré, quasi imperméable pour procurer de l'abri, là plus lâche pour laisser la lumière et le paysage jouer à travers les claires-voies des cagettes, ailleurs allant jusqu'à s'ouvrir en fenêtre pour englober un arbre.
Tout cela se dessinant dans l'interaction des éléments du site et de la mise en œuvre.
C'est un point où on peut se rassembler. C'est aussi un repère qui peut se percevoir de loin.
Cette structure n'est pas une cabane dans le sens d'un petit chez-soi rustique pour se protéger et se couper du monde. Elle vise à générer un espace où l'on se sente à la fois enclos, comme sous une aile protectrice, et ouvert sur les alentours.
On peut y passer, le traverser ou s'y arrêter, (c'est aussi un objet qu'on peut regarder, questionner et comprendre), on peut s'y rencontrer ou s'y retrouver, s'y asseoir et s'y allonger, s'y nicher ou s'y terrer, on peut l'aménager, l'habiter… ou le déserter.
Structure autonome, sans grand danger pour la sécurité (légèreté), sans grave déperdition polluante, renouvelable tant qu'on trouvera de la cagette sur les marchés du monde entier, processus évolutif donc, cette création peut rester sur le site le temps de sa dégradation, de sa dégringolade (puisque, parait-il, tout ce qui monte doit redescendre) jusqu'à ses putréfactions et transformations ultimes, jusqu'à aller nourrir les petits trucs enfouis qui pousseront un jour jusqu'aux nuages…
On peut envisager de la brûler aussi mais c'est une autre histoire.
Ou de la recycler ?
…
Tout cela, bien sûr, se décidant dans l'interaction avec des gens,  du lieu et des moments…